Disparue des radars ces dernières années, la Pils est en passe de retrouver ses lettres de noblesse.
Originaire de République Tchèque et très consommée dans les pays de l’Est et en Allemagne, la Pils traine derrière elle une réputation de bière bas de gamme, que l’on consomme en enchaînant les pintes comme de l’eau.
Avec l’avènement des IPA, la Pils a été boudée des amateurs de bières craft et reléguée tout en bas des étagères chez les cavistes. Les clients se sont tournés vers des bières de plus en plus houblonnées, en quête de frissons et d’amertume extrême, avant l’apparition des New England IPA (NEIPA) qui ont définitivement changé le visage des bières houblonnées. Aujourd’hui, la plupart des IPA qui sortent sont marquées par un corps doux, une texture juteuse, une grosse aromatique houblonnée (fruits exotiques, résineux), et une très faible amertume.
Là où les IPA « vintages » avaient des points communs avec la Pils (sèches, légères, peu sucrées, rafraichissantes), les IPA « new waves » sont totalement à l’opposé du spectre brassicole. C’est peut-être l’occasion idéale pour la Pils de surprendre à nouveau et de s’imposer à contre-courant du mouvement actuel (les rageux diront qu’une Pils est parfaite pour se rincer la bouche entre deux Double IPA).
Mais en fait, c’est quoi une Pils ?
Bière de fermentation basse (la fermentation se déroule à faible température, 10-15 degrés en général), le travail des levures est primordial pour faire le lien entre céréales et houblons.
Marquée par ses parfums de céréales et de pain, la Pils est une bière sèche au profil très « pur ». La levure se fait subtilement sentir, tout comme les houblons qui peuvent apporter une très légère amertume et des saveurs herbacées et florales. Sa légèreté en fait une bière idéale pour les beaux jours.
Là où une IPA peut cacher ses défauts avec un houblonnage massif, une Pils ne pardonne aucune erreur.
Attention à ne pas confondre Lager et Pils : une Lager est une catégorie qui regroupe l’ensemble des bières de fermentation basse (Pils, Helles, Vienna Lager, Rauchbier,…). Une Pils est donc une Lager, mais une Lager n’est pas forcément une Pils.
Pourquoi la Pils va s’imposer ?
• De plus en plus de brasseries s’y mettent. Et pas des moindres : Cloudwater, Verdant, Dunham, Popihn, La Débauche… Le genre de brasseries très suivies et consommées, capables de lancer une tendance.
• Une bonne Pils n’a rien à voir avec les horreurs industrielles que l’on connait tous.
• Une overdose d’IPA est à envisager. On les voit partout, tout le monde en boit, mais au bout d’un moment, le mouvement risque de s’essouffler s’il ne se renouvelle pas. D’autres styles pourront en profiter, et la Pils se tient prête.
• Dans la lignée de l’argument précédent : les IPA ont aujourd’hui pour la plupart un profil doux et crémeux, loin des bières traditionnelles « de soif » légères et rafraichissantes. Pas toujours l’idéal en été.
• Elles sont peu chères. Lorsqu’il n’est plus rare de devoir débourser entre 6 et 10€ pour une bière craft de qualité, les bonnes Pils restent bien plus abordables malgré une durée de fermentation plus longue. Les très belles références se trouvent dans une fourchette de 3 à 5€.
• La bière parfaite à partager avec vos potes à l’heure de l’apéro. Une Pils, un bon saucisson, un peu de fromage, et vous voilà parti pour un bon moment.
• Pour pousser plus loin l’aromatique, plusieurs brasseries sortent des DDH Pils (Double Dry Hopped). Ces Pils fortement houblonnées à froid développent de jolis parfums fruités et herbacés tout en conservant la finesse d’une Pils.
• Grâce à son profil marqué par les céréales, il est intéressant pour les brasseries d’utiliser des malts locaux, parfois bio, mettant ainsi en avant le terroir, souvent oublié dans les IPA (les houblons aromatiques sont rares en France, il faut donc les faire venir de loin : USA, Nouvelle-Zélande ou Australie). À l’heure où consommer local devient primordial, les bières marquées par les céréales peuvent répondre à cette demande.
Pourquoi la Pils va échouer encore une fois ?
• Une Pils n’aura jamais une aromatique aussi exubérante qu’une DIPA, une Sour aux fruits, un Imperial Stout ou une bière vivante marquée par les levures sauvages. Apprécier une bonne Pils à sa juste mesure requiert donc un palais « mature », capable de percevoir ses subtilités et son équilibre.
• Dur de faire le buzz et de générer un « do want » chez les consommateurs en sortant une Pils. Une Pastry Sour Mangue Coco ou un Imperial Stout vanille tonka et noix de pécan va forcément être plus désirable sur le papier, et attiser davantage la curiosité.
• La Pils demande une fermentation plus longue que pour une bière ale. À l’heure où les brasseries doivent sortir des nouveautés en permanence pour satisfaire leurs clients, le rythme des sorties serait forcément ralenti.
• Les « acheteurs de notes Untappd » ne vont pas se diriger vers elles. Pour rappel, Untappd est une application de notation de bières, ouverte à tous. Les Pils y sont boudées, au contraire de certains styles puissants qui récoltent les meilleures notes (Imperial Stout et IPA / DIPA) notamment. Quand beaucoup de beergeeks n’achètent plus de bières en-dessous de 4/5, les meilleures Pils atteignent péniblement des notes moyennes aux alentours de 3,6/5.
Quelques Pils que je vous conseille
Voici une liste de Pils que j’ai pu boire ces derniers mois et qui m’ont beaucoup plu :
Galibot – Pils de Schoeneck
La Pils qui m’a ouvert les yeux sur ce style ! Notes florales, céréales légèrement toastées, texture sèche, équilibre impeccable. Tout est parfaitement exécuté !
Perle – Pils
Beaux parfums de pain de campagne et d’herbe fraiche. Un grand classique alsacien !
90 BPM – Pschittendashnitten – Bohemian Pilsner
Bien marquée par des notes de pains, texture légèrement grasse et sucrée qui rappelle le miel et le beurre. Une Pils toute en douceur.
Dieu du Ciel – Boire Prague et mourir
Un vrai hommage aux origines tchèques de la Pils. Un classique avec une amertume bien sympathique.
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