Payer 10€ pour une bière, vraiment ?

10€ la canette ? Et dire qu’on pourrait se payer un pack de 24 Kro…

Il est loin, le temps où l’on découvrait la craft avec des bières Brewdog à moins de 2€ en supermarché. Avec la multiplication des brasseries crafts et des recettes toujours plus folles, il n’est plus rare de devoir payer 8 ou 10€ la canette !

On pourrait écrire un livre entier sur le coût de revient détaillé d’une bière, mais comme souvent : je vais essayer d’être le plus concis possible.

Quand j’ai commencé à calculer les coûts de fabrication d’une bière.

Craft ou indus, qu’est-ce que ça change ?

Matières premières

Vous vous en doutiez : une bonne bière doit faire appel à de bons produits. Forcément, l’addition devient plus salée.
Si l’on ajoute le fait qu’il faut environ 500 g de malts divers (souvent avec un peu d’avoine, très cher) et 20 grammes de houblons pour produire un litre de Triple IPA, là où une Carlsberg / Heineken / Kronenbourg se contenteront de 5 à 6 fois moins de malts bas de gamme et de 10 à 20 fois moins de houblons (sous forme d’extrait dégueulasse, qui plus est), il n’y a pas photo.

Petits volumes = prix d’achats plus élevés

Dur de négocier des tarifs préférentiels sur l’achat de matières premières ou des emballages (canettes, bouteilles, étiquettes, cartons) lorsque les volumes sont petits.

À droite, la petite brasserie qui tente de négocier des tarifs auprès de ses fournisseurs.

Bières éphémères

Le beergeek étant friand de nouveautés, les brasseries se sont adaptées, en proposant de nouvelles références à un rythme effréné. Ces brassins éphémères, en quantité limitée, ont un coût : recherche de recettes, développement des brassins tests,  design des étiquettes (un graphiste / illustrateur demande entre 200 et 500€ pour la création d’une étiquette). Des frais supplémentaires que l’on ne retrouve pas sur une recette inchangée depuis des années.

Artiste, c’est vraiment un métier ?

Des recettes toujours plus créatives

Bières à la betterave, aux framboises, à la mangue, ananas, vanille, piment… Ces dernières années, le brasseur devient cuisinier, et cela prend du temps d’intégrer ces éléments dans une bière : une vraie galère de laver et peler des fruits.
Mais c’est bien plus pratique d’utiliser des arômes… N’est-ce pas *toutes les brasseries industrielles qui font des bières aux « fruits »* ?

Bières vieillies

Achat des fûts ou barriques + immobilisation pendant des mois = répercussion directe sur le prix de vente.
On adore les bières vieillies mais elles sont forcément plus chères à produire.

Offre et demande

Certaines brasseries sortent des séries spéciales en éditions très limitées. Parfois, les bières sont vendues en quelques heures ou quelques jours. Si la qualité est bonne et que le public suit, pourquoi ne pas en profiter pour faire un peu plus de marge ? Le hype joue beaucoup sur le prix final d’une bière. On peut notamment citer Omnipollo ou Cloudwater, qui bénéficient de leur notoriété pour pratiquer des prix plus élevés que d’autres brasseurs aux produits équivalents.

Les fans d’Omnipollo qui attendent la release de la dernière Bacon Peanut Butter Galaxy Avocado Ice Cream Imperial Session Lassi Gose.

Passage aux canettes 44 cl

Ça ne parait pas grand chose, mais passer du format traditionnel 33 cl à des canettes 44 cl, cela fait tout de même 33% de bière en plus. Une bière à 10€ coûterait ainsi « seulement » 7,50€ en 33 cl pour un prix au litre identique.

Artisanat = main d’oeuvre

Les machines sont beaucoup moins automatisées dans une petite brasserie que chez un industriel. Beaucoup de choses se font à la main sous le contrôle du brasseur. Le coût de la main d’oeuvre explose par rapport à un industriel.

Les brasseurs en plein boulot chez Heineken.

Distribution

Acheter une bière à l’unité chez un caviste ou en pack de 24 au supermarché n’a rien à voir. Débiter des volumes énormes permet aux grosses brasseries et aux intermédiaires de baisser leurs marges pour pratiquer des prix agressifs.

Le goût

Ça parait très con, mais seriez-vous prêt à mettre 10€ dans une Brett Saison au quinoa bio et thé rouge millénaire du mont Fuji, barrel aged en fût de Cognac XO, si elle avait le goût de pisse ?
Si l’on est prêt à payer ce tarif, c’est parce que l’on sait que cela vaut le coup / coût.

« Magnifique robe grenat, turbidité parfaite, nez qui dévoile des parfums de rhubarbe ancienne et de musc blanc, texture soyeuse, bouche envoûtante qui nous emmène en pleine jungle luxuriante avec ses notes de cascara et de tamarin. Dommage pour le manque de carbonatation . 2/10 »

TVA

LA TVA est de 20% pour tout le monde. Mais pour une bière à 0,60€, cela représente 10 centimes, contre 1,67€ pour une bière à 10€.

Une TVA identique… Pas si identique.

Le reste des coûts…

Loyer, remboursements bancaires, amortissement du matériel, taxes, impôts, transports, consommables (eau, électricité,…), véhicule et frais de déplacement, communication… Commun avec les brasseries industrielles, mais à prendre en compte dans les coûts de revient.


Les intermédiaires

Plusieurs canaux de distribution existent :
Brasserie > client
Brasserie > caviste > client
Brasserie > distributeur > caviste > client

Ce dernier canal est le plus courant puisqu’il permet au client final d’avoir un maximum de choix. Forcément, chaque intermédiaire doit prendre sa marge.

Pour une bière vendue 10€ chez votre caviste, sachez que la brasserie perçoit généralement entre 3,00 et 4,50€.


Alternatives

On vous rassure, on peut prendre son pied avec des bières bien plus abordables. Grâce à leur proximité, beaucoup de brasseries françaises proposent des rapports qualité/prix imbattables, avec des bières de très haut niveau aux alentours de 5€ en moyenne (3-5€ pour les gammes permanentes plus classiques, 5-7€ pour les gammes éphémères).

Voici une petite liste non exhaustive : Hoppy Road, Piggy Brewing, Iron, Effet Papillon, Popihn, La Débauche, La Superbe, Azimut, Galibot, Brasserie du Grand Paris, Elixkir, Aerofab…

Quand la dernière Popihn « DIPA Citra Mosaic Simcoe » rentre en rayon à côté de la « DIPA Simcoe Mosaic Citra ».

Pour les budgets plus serrés, il est possible de trouver des choses à moins de 3€ en GMS : Gallia, Brewdog, Brooklyn Brewery, Bruxelles Beer Project. Des références plus classiques, moins créatives, pas vraiment axées dégustation, mais pour une soirée à la cool avec des potes, ça fait très bien le travail.

Et au contraire, si vous souhaitez vous faire plaisir pour une occasion particulière (ou si votre budget vous le permet), il est possible de trouver du très haut de gamme, où le savoir-faire du brasseur prend tout son sens (choix de barriques, assemblages, fermentations spontanées, etc.) : Ammonite, Cantillon, Bokke, À tue-tête, Side Project, Casey Brewing…
On est bien capables de mettre 40-50€ dans un Champagne, pourquoi ne pas mettre 30€ dans une belle bouteille de bière ?

Quand tu mets enfin la main sur une bouteille Ammonite après des mois de recherches.

Conclusion

On est de grands adeptes du « boire moins mais boire mieux ». Alors oui, 10€ la bière c’est une somme que peu de personnes peuvent se permettre de dépenser pour une seule bière.

La craft reste à l’heure actuelle encore un petit marché en France. Fort heureusement, de bonnes bières sont accessibles pour les budgets intermédiaires. C’est avec ces gammes à 2-3€ disponibles en supermarché que beaucoup d’amateurs de crafts se sont révélés. Une vraie porte d’entrée… qui donne envie de pousser celle de son caviste. À vous le monde merveilleux des Triple IPA, fermentations spontanées à la betterave, Saison Bretts, Imperial Stout vieilli en fût de Laphroaig…

Votre portefeuille ne vous remerciera pas. Votre gosier, oui.


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